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En Fr

Promenade blanche / Weisse Reise
Sylvie Zavatta
2014

Connue pour ses interventions discrètes et aériennes qui, jouant de la transparence et de la lumière, dialoguent avec l‘architecture, Susanna Fritscher propose au Frac Franche-Comté une série d‘oeuvres inédites dont certaines ont été produites pour l‘occasion. Parmi elles, Promenade Blanche / Weisse Reise a donné son titre à l‘exposition. 

Promenade Blanche / Weisse Reise a été conçue pour le nouveau bâtiment du Frac et plus précisément pour la salle basse dont les volumes atypiques sont propices à des réalisations spécifiques. Cette oeuvre ambitieuse est à la fois spectaculaire et spectrale.  Elle se présente comme un méandre de films fluide oscillant entre sol et plafond. Au gré de notre voyage au sein de l‘oeuvre tamisée par la lumière, celle-ci se densifie ou se dissipe. Nous avons la sensation d‘être plongés dans un brouillard à la densité fluctuante. L‘air y est devenu  visible, palpable, mais aussi audible. C‘est que notre corps, en passant, fait se mouvoir la matière et provoque par frôlement un murmure, tel l‘écho assourdi d‘un orage déchainé au loin. 

Dans une autre salle, si murs et sol semblent avoir également perdu leur consistance, notre mouvement est en revanche entravé : Notre progression est en effet interrompue par une sensation étrange de brouillage alors que nous faisons face à une sorte de sfumato en suspension. Ce barrage visuel  intitulé Capture/ The Eyes se révèle in fine une fragile installation composée  d‘une succession de surfaces verticales elles-mêmes constituées d‘un nombre infini de fils d‘une extrême finesse tendus dans l‘espace.

C‘est à de semblables pertes de repères que nous convie Tapis d’Eau, une oeuvre composée d‘une lentille de verre de 2 mètres de diamètre. Légèrement concave, nappée d‘eau, elle donne  littéralement l‘impression que l‘élément liquide « flotte » au-dessus du sol. 

Dans cet univers pâle, composé de déclinaisons de blancs et de transparence, la couleur subsiste cependant mais elle prend des formes singulières : Stoss se présente comme une pile de feuilles de papier colorées posée au sol dont certaines sont affichées au mur voisin. Ici la couleur devient volume avant de se déployer plus classiquement sur la cimaise. Cette pièce engage un processus d‘effeuillage partant du blanc pour aller vers l‘intensité d‘un rouge éclatant.

On entendra aussi plusieurs pièces sonores que l‘artiste intitule Peintures Vocales. Il s‘agit de textes, que Susanna Fritscher a commandés à l‘écrivain Charles Pennequin, textes chantés maintenant  par Helia Samadzadeh. Si Les propositions plastiques de Susanna Fritscher engendrent le  brouillage de notre vision, ses pièces sonores sur le rouge, l‘or et le blanc suscitent une déstabilisation analogue. Une voix sensuelle s‘élève. C‘est un chuchotement puis un  chant emmêlé et cristallin où alternent syllabes agglutinées, silences, flous et  stridences, le tout sur des rythmes syncopés ou fluides. Avec  une autre pièce: blanc, la voix commence par un mouvement de bouche presque inaudible puis vient un souffle. Ce souffle que Susanna Fritscher ne veut plus seulement entendre mais désormais voir, donner à voir jusqu‘à le mouler dans le cristal (Souffle)

Ce n‘est donc pas de disparition dont il est question ici, même si la blancheur et l‘évanescence dominant ces propositions peuvent le suggérer mais à l‘inverse, d‘apparition voire de révélation : Tout comme il faut faire le silence pour percevoir des sons d‘ordinaire inaudibles, Susanna Fritscher efface nos repères physiques pour faire en sorte que la couleur affleure à la surface blême des choses, pour la rendre audible. Nous donner à voir, à entendre, à toucher des apparitions dans un environnement flottant à force d‘en avoir gommé les contours, nous baigner dans un monde désormais indéfini par des propositions d‘une subtilité infinie, tel est le défi de Susanna Fritscher.