Les pièces et projets récents débordent la question de l’œuvre, celle de l’installation pour créer des paysages aériens qui se reconfigurent en permanence. En dialogue avec un monde en fragilité, elles réinventent notre relation au réel en suspendant son apparente stabilité et constance. Comme par capillarité, leur légèreté atmosphérique imprègne le lieu d’exposition, se confond avec l’architecture qui apparaît soudain précaire, fuyante, vibratile, liquide. L’espace semble se retourner, accueillir son propre horizon.
Les matériaux employés sont si volatiles qu’ils se mélangent avec l’air, lui donne une texture, une brillance, une qualité palpable. Sensibles, ils captent les flux, souffles, turbulences, lumières. Agités, ils frémissent, vibrent, oscillent, forment des vagues, ondes, s’organisent en fréquences, sons et résonances. Ils augmentent la présence de l’air, le révèlent visible, audible.
Les œuvres n’ont pas de forme propre, elles emplissent les lieux, leur étendue est illimitée et ne suit aucune hiérarchie. Les corps des visiteurs-promeneurs, invités à se détacher de la pesanteur, de la gravité, parcourent un espace autant qu’il les traverse. L’absence de récit les place dans une immédiateté sans refuge et convie à une rencontre ouverte. Chaque expérience de l’œuvre est ainsi singulière, c’est elle qui en construit le sens.
Susanna Fritscher
2022
